Wednesday 4 October 2017

CATALOGNE: APRES LE REFERENDUM

Je découvre, dans la presse et dans les commentaires de certains hommes politiques européens, une grande hypocrisie ou une immense ignorance du sujet, depuis qu'apparaissent les images des violences survenues lors du référendum du 1er octobre dernier. D'une façon générale les commentaires se concentrent sur les "violences policières" pour les condamner, au nom du respect de la liberté d'expression, et pour renvoyer dos à dos les indépendantistes et le gouvernement central.
Pourtant, ces violences étaient attendues et inévitables, et en réalité on peut s'estimer heureux que ce ne soit pas allé plus loin. Il faut en effet rappeler que les policiers espagnols, loin de réprimer aveuglément et de façon autoritaire des manifestations légales, n'ont fait qu'obéir comme ils en avaient le devoir aux ordres de juges espagnols qui leur avaient ordonné d'empêcher la réalisation d'un référendum totalement illégal, en fermant les bureaux de vote et en saisissant les urnes. Ils ne se sont pas heurté à des citoyens exerçant librement leur liberté d'expression, mais à des personnes en train de réaliser un acte ouvertement illégal, et qui se sont opposées aux forces de police en faisant obstruction à leur action. Il ne s'agit donc pas de charges aveugles cherchant à "casser du manifestant", mais d'actions visant strictement à la réalisation de la mission qui leur avait été fixée par le pouvoir judiciaire. On n'est donc absolument pas face à des violences policières gratuites, à une répression rappelant, comme ne craignent pas de le dire certains sans crainte du ridicule, "les heures noires de la dictature", mais au simple exercice de la "violence légitime" de l'Etat, agissant dans le cadre de sa mission de faire respecter la loi et l'état de droit.
On pourra toujours ergoter pour savoir si la police aurait pu remplir sa mission de façon moins violente; si des excès ont été commis, ils doivent bien sûr être punis. Mais il faut en outre rappeler que le travail de la police espagnole n'a pas été facilité par la trahison des forces catalanes, les "Mossos d'Esquadra", qui après avoir assuré la veille qu'ils participeraient à la fermeture des bureaux de vote aux côtés des forces espagnoles, ont finalement refusé au dernier moment de s'y associer, et se sont même affrontés, dans certains cas, à la police espagnole. De ce fait, celle-ci s'est souvent retrouvée dans des situations délicates, cernée par une foule hostile, ce qui les a obligés à faire usage de la violence pour se dégager. 
Finalement, il faut bien reconnaître que les indépendantistes ont gagné la guerre des images et de la communication. Il est certain que les photos de policiers lourdement armés renversant des personnes désarmées, les écartant par la force, parfois à coup de pieds ou de matraque, ne sont pas de nature à attirer la sympathie de personnes mal informées. Lorsqu'en plus, les autorités catalanes font état de plus de 800 blessés, on imagine une ville mise à feu et à sang par la police. En réalité, et sans nier qu'il y a eu des violences, il est bon de signaler que sur ces 800 blessés, seuls deux ont été hospitalisés, dont une personne âgée de 70 ans victime d'un infarctus, et une autre qui a malheureusement  reçu une balle en caoutchouc dans l’œil.

Un débat doit avoir lieu cet après-midi au Parlement européen sur le problème catalan, au cours duquel il est évident que les violences de dimanche dernier seront évoquées, et certains espèrent qu'il aboutira à une condamnation de l'action de l'Etat espagnol; espérons qu'il n'en sera rien. Il me semble évident que l'on ne peut pas mettre sur le même plan l'action totalement illégale des autorités catalanes, qui se sont obstinées à organiser un soit-disant référendum aboutissant à diviser profondément la société catalane et espagnole, et l'action des autorités centrales, agissant dans le cadre de l'Etat de droit pour empêcher la réalisation de cette parodie de démocratie et faire respecter les droits des millions de catalans qui s'opposent à l'indépendance.

Car enfin, quel est le projet des indépendantistes? Il s'agit d'un projet profondément nationaliste, populiste et de façon de plus en plus évidente, xénophobe: un projet qui cherche à diviser plutôt qu'à rassembler; un projet qui oppose les vrais catalans, ceux qui ont le catalan comme langue maternelle (rappelons qu'ils sont minoritaires), et ceux qui n'ont pas cette "qualité"; un projet qui utilise l'invective et la violence verbale (pour le moment) pour disqualifier ceux qui n'y adhèrent pas, en les accusant de fascisme. De nombreux témoignages d'intellectuels catalans non-indépendantistes nous font effectivement connaître le harcèlement dont ils sont actuellement victime, ce qui explique le silence des très nombreux catalans qui n'adhèrent pas au projet d'indépendance. 
En ce sens, je partage totalement l'opinion que vient d'exprimer Alfonso Guerra, ancien dirigeant de premier plan du PSOE qui fut il y a quelques années vice-président du gouvernement espagnol, lorsqu'il qualifie le mouvement indépendantiste catalan de "mouvement préfasciste", fruit du nationalisme.

Face aux appels à négocier avec le gouvernement catalan, qui se multiplient à la fois en Espagne et dans de nombreux pays européens, Guerra considère d'ailleurs qu'"on ne négocie pas avec des putschistes", estimant qu'il s'agit de leur part d'une tentative de coup d'Etat. Peut-être va t'il trop loin, l'expérience montre qu'on est souvent contraint à négocier avec qui on ne souhaiterait pas le faire, parce que c'est le seul interlocuteur possible: voir par exemple la négociation du gouvernement colombien avec les FARC.

Il n'en reste pas moins que l'actuelle équipe dirigeante catalane, et en particulier ses deux têtes visibles, le président Puigdemont et le vice Président Junqueras, ont fait preuve d'un fanatisme et d'un sectarisme tels que cela laisse peu de chance de succès à une négociation avec eux. Si le seul sujet de négociation qu'ils acceptent est de définir les conditions d'accès de la Catalogne à l'indépendance, aucune négociation ne sera possible.