Thursday 2 April 2020

Réfléchir sur notre système de santé

La situation d'urgence absolue que connait actuellement notre système de santé face à la croissance exponentielle des cas de Covid 19, le climat de stress et d'angoisse dans lequel travaillent les personnels de santé avec un dévouement admirable, ne constituent évidemment pas le contexte idéal pour procéder à un réexamen objectif et dépassionné de notre appareil sanitaire; aussi, mon intention ici n'est évidemment pas de me lancer, comme le font déjà certains, dans une critique indécente et purement politicienne des stratégies mises en oeuvre pour lutter contre l'épidémie, pour mettre en accusation le gouvernement actuel en dénonçant certaines insuffisances de moyens humains et matériels.

Je pense cependant que les tensions qui apparaissent de façon presque inévitable dans le service public de la santé (comment en serait-il autrement? Aucun système de santé ne peut être dimensionné pour faire face à une telle situation exceptionnelle) doit nous amener à réfléchir de façon plus globale sur le fonctionnement de nos services publics.

En effet, on entend dés à présent des voix mettant en accusation les "politiques d'austérité" mises en oeuvre par les gouvernements français qui se sont succédés ces dernières années, et en particulier depuis la crise financière de 2008, qui seraient responsables de la ruine des services publics, et plus spécialement de celui de la santé. C'est l'éternel discours sur "le manque de moyens" et la "logique comptable", comme s'il suffisait de mettre davantage d'argent pour résoudre les problèmes dont souffrent nos services publics.

Or, comme le montrent les excellents éditoriaux de Franz-Olivier Giesbert et d'Etienne Gernelle dans le Point (N° 2484) de cette semaine, ce n'est pas d'un manque de moyens que souffrent les services publics. FO. Giesbert rappelle opportunément que la France consacre 11,3% de son PIB aux dépenses de santé, ce qui la met en tête de l'ensemble des pays de l'Union Européenne, à égalité avec l'Allemagne. Or ce dernier pays ne rencontre pas les pénuries que nous connaissons en matière de lits de réanimation, de tests de dépistage et de matériel de diagnostic. A contrario, on peut d'ailleurs signaler que les Etats Unis consacrent à la santé un pourcentage du PIB très supérieur au nôtre (18%), avec les résultats désastreux que l'on constate actuellement, ce qui démontre que le fait de disposer de davantage de moyens financiers n'est pas une garantie pour la qualité du service de santé.

De son côté, Etienne Gernelle rappelle que la Corée du Sud, actuellement citée en exemple pour l'excellence de sa réponse face à) la menace du Covid 19, a un niveau de dépenses publiques équivalent à 32% du PIB, contre 56% pour la France.

Il me semble donc évident que les déficiences que nous sommes bien obligés de constater dans le fonctionnement actuel du système français de santé, ne résultent pas d'une insuffisance de moyens et ne sont pas la conséquence d'une prétendue "politique d’austérité" que l'on a bien du mal à déceler lorsqu'on constate que la France détient le record mondial peu enviable de dépense publique. Par, contre elles sont bien l'illustration d'un mal que j'ai déjà dénoncé à de nombreuses reprises dans ce blog: l'inefficience flagrante d'une administration française engluée depuis des décennies dans son bureaucratisme routinier, et qui réalise un exploit unique au monde: dépenser plus que tous les autres tout en fournissant des services publics qui se dégradent d'année en année.

Tout cela n'a rien à voir, ni avec une prétendue insuffisance de moyens, ni avec la qualité des personnels de santé, dont le niveau est excellent, mais bien avec une organisation déficiente, et qui devrait être révisée de fond en comble, lorsque des jours meilleurs seront revenus. Le personnel lui-même est victime du système, et il a bien du mérite à maintenir sa motivation dans le cadre administratif qui lui est imposé.

NOTE IMPORTANTE: cette critique de fond que je fais ici de l'organisation de nos services publics, dont celui de la santé, ne signifie pas qu'avec une autre organisation et des services plus efficients, nous n'aurions pas connu les problèmes d'insuffisance de moyens que nous connaissons actuellement. Je le répète: aucun système sanitaire, aussi efficient soit-il, ne peut être préparé à affronter sans difficulté une situation aussi exceptionnelle, et d'ailleurs rien ne dit que l'Allemagne ou la Corée du Sud ne connaîtront pas dans quelques jours un accroissement brutal des cas graves de Covid 19 et une situation de crise aussi angoissante que la nôtre.


3 comments:

  1. Je ressaie le commentaire cette fois-ci via le compte Google de Guylaine. C'est la seule façon pour que tu puisses recevoir les commentaires.
    Je disais donc que ce que je ne parviens pas à comprendre en te lisant c'est ce qui explique qu'avec un niveau de dépense médicale en % du PIB égale à celle de l'Allemagne, la France ne parvienne pas à atteindre le même niveau de service que l'Allemagne. Je pense que cela n'est pas tant lié à l'organisation de la fonction hospitalière mais au système de sécurité sociale, qui permet aujourd'hui à pratiquement tous les salariés d'avoir un accès illimité à des dépenses médicales et de pharmacie. C'est peut-être cela qui ensuite restreint le niveau d'équipement et de salaire du personnel soignant qui reste malgré tout très bas et donc démotivant en France.
    Par ailleurs, je me demande si la statistique que tu donnes pour les Etats Unis intègre les dépenses du secteur privé? Car je trouve ce niveau de dépenses par rapport au PIB pour un pays qui n'a même pas d'assurance santé universelle particulièrement élevé!

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