Monday 13 April 2020

LA VIE HUMAINE: une valeur absolue?

Un passage de l'interview du philosophe allemand Jürgen Habermas, publiée dans Le Monde du samedi 11 avril, me permet d'approfondir les quelques réflexions que je livrais dans mon article d'hier sur la valeur de la vie humaine.

Je cite le passage de l'interview: "Les hommes et les femmes politiques, lorsqu'il s'agit d'arbitrer entre, d'un côté, des dommages économiques et sociaux et, d'un autre, des morts susceptibles d'être évitées, doivent résister à la "tentation utilitariste": doit-on être prêt à risquer une "saturation" du système de santé, et donc des taux de mortalité plus élevés, pour redonner de l'essor à l'économie et atténuer ainsi le désastre social d'une crise économique? Les droits fondamentaux interdisent aux institutions étatiques toute décision qui s'accommode de la mort de personnes physiques".

Ainsi donc, pour Habermas, la préservation de toute vie humaine mise en péril par l'épidémie constitue une valeur absolue, et aucune considération ne saurait autoriser les gouvernants à prendre des décisions pouvant entraîner un surcroît de décès causés par le virus.

Pourtant Habermas reconnait que les médecins, dans leur lutte quotidienne contre la maladie, doivent parfois prendre des "décisions tragiques" lorsque les moyens dont ils disposent ne leur permettent pas de soigner tous les patients en danger de mort qu'on leur amène. Mais il s'en tire par une pirouette en considérant que dans ces cas, le médecin prend sa décision "sur la base d'indices médicaux laissant penser que le traitement clinique en question a de grandes chances de succès" .

Le philosophe allemand semble oublier ce qu'est l'économie, à savoir la recherche de la façon  la plus efficiente d'adapter des moyens limités à des besoins qui sont illimités. Donc, lorsque le médecin se trouve face à l'alternative tragique de choisir entre deux patients, et de consacrer ses soins à celui qui a le plus de chance de survivre, il fait en réalité un choix économique, en adaptant l'insuffisance des moyens dont il dispose de la façon la plus efficiente possible.

Alors bien sûr, la préservation de la vie humaine est une valeur absolue, mais elle doit être appréciée de façon plus globale, à l’échelle de l'ensemble de la société, et non uniquement dans l'optique forcément limitée (ce n'est pas un reproche) du médecin dont le seul objectif est de sauver un maximum de patients.

L'effondrement de l'économie peut aussi faire des morts, et rien ne permet de dire que ces morts seront moins nombreux et moins importants que ceux résultant directement de l'épidémie. La faim, la misère, le désespoir, font des victimes! le développement des addictions, les maltraitances s'exerçant sur les plus faibles, femmes et enfants, font des victimes; les séquelles d'un confinement prolongé sur le psychisme de jeunes enfants, ainsi que sur leur niveau éducatif, ne pourront s'apprécier qu'à long terme, mais peuvent aussi être tragiques.

C'est pourquoi les décisions concernant la prolongation ou l'arrêt du confinement, et la stratégie pour sortir de celui-ci, ne peuvent pas être prises uniquement selon des critères médicaux dictés par les spécialistes de l'épidémie. Il s'agit de décisions politiques, qui seront prises par nos gouvernants, sans que ceux-ci puissent s'abriter derrière les avis médicaux. Il est même possible que certaines de ces décisions puissent se traduire par un nombre de victimes directes de l'épidémie supérieur à celui qui aurait été obtenu en maintenant un confinement plus prolongé.

A la limite, si l'on voulait appliquer strictement la position défendue par Habermas, la seule décision éthiquement acceptable serait de prolonger le confinement jusqu'à ce que nous disposions d'un vaccin contre le Covid-19; mais comme ce vaccin ne sera disponible que dans un an au mieux, on voit bien qu'une telle décision, éthiquement impeccable, est dans les faits inapplicable.

Il faudra donc bien que les gouvernants prennent leurs responsabilités, et fassent preuve de cet "utilitarisme" condamné par Habermas, en essayant de prendre la moins mauvaise décision possible, c'est à dire celle qui minimisera les dégâts pour l'ensemble de la société, et non uniquement pour les malades du Covid-19. 

Soit dit au passage, je n'aimerais pas être dans leur peau, car leur décision, quelle qu'elle soit, entraînera des dommages, sans qu'il soit possible de savoir à l'avance si une autre décision en aurait entraîné plus ou moins. Dans tous les cas, les critiques pleuvront sur eux!

  

  

Sunday 12 April 2020

"quoi qu'il en coûte"?

Dans son allocution solennelle du 12 mars dernier, qui fut le premier pas vers le confinement général proclamé quelques jours après, Macron, utilisant une rhétorique martiale, nous disait que ""La santé n'a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu'il en coûte".

Près d'un mois plus tard, nous commençons à mieux réaliser ce qu'il va réellement nous en coûter, et à admettre qu'en réalité, la santé a bien un prix, et très élevé.

Dans une très intéressante interview parue dans Le Point, dont je recommande la lecture à tous, l'économiste français Christian Gollier évalue la baisse du PIB à 4% par mois de confinement; comme nous sommes bien partis pour une durée de ce confinement d'environ 2 mois, et qu'ensuite la reprise de l'activité économique ne se fera que très progressivement, tout laisse à penser que nous arriverons très vite à une récession largement supérieure à 10% du PIB.

Il faut bien comprendre ce que cela signifie concrètement pour la vie quotidienne des français, en terme de perte d'emplois, de pouvoir d'achat, de misère humaine, dans certains cas de désespoir. Certains inconscients, entendant mentionner les chiffres astronomiques annoncés pour les dépenses visant à compenser les pertes de revenus pendant le confinement, puis les plans de relance qui devraient être mis en oeuvre à la sortie de celui-ci, nous disent que "la preuve est faite que, de l'argent il y en a", et que "plus jamais les français n'accepteront les politiques d'austérité qui ont été menées ces dernières années". ils semblent oublier que cet argent déversé à flot, l'Etat ne le possède pas, il doit l'emprunter, et il devra un jour le rembourser, sauf à se déclarer en faillite. 

A ces pertes économiques occasionnées par la pandémie et le confinement qui en résulte, s'ajoutent toute une série d'autres conséquences d'ordre social, psychologique, en terme de retard scolaire, et même de santé publique. Mesure t'on par exemple les conséquences du confinement sur la montée des addictions (alcoolisme, drogues...)? Sur les violences intra familiales, notamment à l'égard des femmes et des enfants? Le désastre sanitaire entraîné par la quantité de personnes renonçant à se soigner d'autres maladies, retardant l'initiation de leur traitement ou la réalisation de leur chirurgie? Prend-on en compte la vague de maladies mentales, de dépressions, ou dans le pire des cas de suicides qui va en résulter?

Alors oui, la santé (ou en tout cas celle des personnes frappées par le covid-19) a bien un coût, qui est très élevé, et on ne peut pas se contenter de dire que l'épidémie sera vaincue "quoi qu'il en coûte". Il arrive un moment où il faut bien mettre en balance les bénéfices et les inconvénients qu'occasionne le confinement. 

Bien sûr, on nous dit qu'il n'y a pas d'autre solution, et que le confinement est le seul remède existant pour empêcher un désastre sanitaire. Je ferai seulement deux observations:

- D'abord, il n'est pas tout à fait vrai que le confinement soit la seule solution; il existe au moins une alternative, qui a été utilisée jusqu'à présent avec un certain succès par la Corée du Sud, qui consiste à isoler immédiatement et totalement (c'est à dire en séparant le malade de sa famille) toute personne porteuse du virus, même si elle n'est pas malade, et dans chaque cas à enquêter pour retrouver toutes les personnes avec qui elle a été en contact, afin de les tester à leur tour.

Cette méthode présente l'énorme avantage de ne confiner que les personnes à risque, et non toute la population. Cependant, elle devient difficilement practicable à partir du moment ou l'épidémie n'est plus cantonnée à quelques centaines de personnes, mais s'étend, comme chez nous à sans doute plusieurs centaines de milliers. Elle implique en outre de disposer de très fortes capacités en matière de test de détection de la maladie, ainsi que que de tracking des personnes rencontrées par les individus contaminés, éléments dont nous ne disposons pas.

Nous avons donc bien fait "de nécessité vertu" en choisissant la stratégie du confinement, parce que nous n'avions pas la possibilité de choisir celle suivie par les coréens.

- la deuxième observation, qui est plus de fond, porte sur la capacité de nos sociétés post modernes à accepter et supporter la maladie et la mort. Bien sûr, personne ne souhaite le retour à l'époque de la peste noire, où près de 50% de la population européenne avait péri. Mais nous avons déjà, dans un passé relativement récent, traversé divers épisodes épidémiques plus ou moins sévères (grippe espagnole, grippe asiatique, grippe de Hong Kong), qui en leur temps furent meurtrières, mais n’entraînèrent jamais un confinement généralisé et un arrêt de l'économie comme c'est le cas actuellement. 

Le problème est que pratiquement les seuls experts qui sont actuellement consultés pour savoir quelles mesures prendre contre l'épidémie sont des médecins, virologues ou épidémiologistes, dont le seul objectif est (puisqu'ils ont été formés pour cela) de réduire le plus possible le nombre de victimes de l'épidémie, mais qui ne sont sans doute pas préparés pour prendre en compte au niveau "macro" les conséquences sur l'ensemble de la société des mesures qu'ils proposent.

Ces spécialistes trouveront toujours que les moyens mis à disposition du système de santé sont insuffisants, qu'il faudrait disposer en permanence de centaines de milliers de respirateurs, de millions de test, de milliards de masques... Mais comment peut-on imaginer qu'un système de santé puisse être dimensionné pour pouvoir affronter une épidémie qui, dans le pire des cas, ne se reproduira pas avant 100 ans? Sans compter que l'on aura toujours une guerre de retard, comme la France en 1940 avec la Ligne Maginot, et que les remèdes prévus pour lutter contre une épidémie comme celle du coronavirus ne serviront sans doute à rien contre l'épidémie suivante.

L'application du principe de précaution contre le risque d'épidémie est une illusion, il nous faut donc accepter que notre système de santé puisse se révéler incapable de faire face à une épidémie soudaine et violente, comme celle que nous connaissons actuellement. C'est une situation que l'humanité a connu à de nombreuses reprises par le passé, et dont elle s'est toujours relevé; mais cette fois, il semble qu'il soit inacceptable pour beaucoup de gens que des malades puissent mourir faute de capacité hospitalière pour les accueillir. On préfère donc une solution (le confinement) qui est en train de ruiner notre économie et de détruire la vie de nombreuses personnes, plutôt que d'affronter un plus grand nombre de décès.

Je sais bien que mon discours paraîtra inacceptable à beaucoup, et que l'idée que l'on puisse mettre un prix à la vie humaine peut sembler monstrueuse. Mais c'est pourtant la réalité, et je fais le pari qu'une poursuite prolongée du confinement, sans perspective claire de sortie, deviendrait vite inacceptable pour une partie croissante de la population.

Je ne suis pas en train de dire qu'il faut cesser immédiatement et sans condition le confinement; je pense seulement que la stratégie qui sera adoptée pour en sortir devra impérativement tenir compte, non pas uniquement des moyens pour stopper l'épidémie, mais également de l'ensemble des impératifs, économiques et sociaux, de notre société, et des dommages que le confinement lui cause, en pesant toujours les avantages et inconvénients, non seulement médicaux, mais également pour l'ensemble de la société. Il ne faudrait pas que le remède devienne pire que le mal.






Thursday 2 April 2020

Réfléchir sur notre système de santé

La situation d'urgence absolue que connait actuellement notre système de santé face à la croissance exponentielle des cas de Covid 19, le climat de stress et d'angoisse dans lequel travaillent les personnels de santé avec un dévouement admirable, ne constituent évidemment pas le contexte idéal pour procéder à un réexamen objectif et dépassionné de notre appareil sanitaire; aussi, mon intention ici n'est évidemment pas de me lancer, comme le font déjà certains, dans une critique indécente et purement politicienne des stratégies mises en oeuvre pour lutter contre l'épidémie, pour mettre en accusation le gouvernement actuel en dénonçant certaines insuffisances de moyens humains et matériels.

Je pense cependant que les tensions qui apparaissent de façon presque inévitable dans le service public de la santé (comment en serait-il autrement? Aucun système de santé ne peut être dimensionné pour faire face à une telle situation exceptionnelle) doit nous amener à réfléchir de façon plus globale sur le fonctionnement de nos services publics.

En effet, on entend dés à présent des voix mettant en accusation les "politiques d'austérité" mises en oeuvre par les gouvernements français qui se sont succédés ces dernières années, et en particulier depuis la crise financière de 2008, qui seraient responsables de la ruine des services publics, et plus spécialement de celui de la santé. C'est l'éternel discours sur "le manque de moyens" et la "logique comptable", comme s'il suffisait de mettre davantage d'argent pour résoudre les problèmes dont souffrent nos services publics.

Or, comme le montrent les excellents éditoriaux de Franz-Olivier Giesbert et d'Etienne Gernelle dans le Point (N° 2484) de cette semaine, ce n'est pas d'un manque de moyens que souffrent les services publics. FO. Giesbert rappelle opportunément que la France consacre 11,3% de son PIB aux dépenses de santé, ce qui la met en tête de l'ensemble des pays de l'Union Européenne, à égalité avec l'Allemagne. Or ce dernier pays ne rencontre pas les pénuries que nous connaissons en matière de lits de réanimation, de tests de dépistage et de matériel de diagnostic. A contrario, on peut d'ailleurs signaler que les Etats Unis consacrent à la santé un pourcentage du PIB très supérieur au nôtre (18%), avec les résultats désastreux que l'on constate actuellement, ce qui démontre que le fait de disposer de davantage de moyens financiers n'est pas une garantie pour la qualité du service de santé.

De son côté, Etienne Gernelle rappelle que la Corée du Sud, actuellement citée en exemple pour l'excellence de sa réponse face à) la menace du Covid 19, a un niveau de dépenses publiques équivalent à 32% du PIB, contre 56% pour la France.

Il me semble donc évident que les déficiences que nous sommes bien obligés de constater dans le fonctionnement actuel du système français de santé, ne résultent pas d'une insuffisance de moyens et ne sont pas la conséquence d'une prétendue "politique d’austérité" que l'on a bien du mal à déceler lorsqu'on constate que la France détient le record mondial peu enviable de dépense publique. Par, contre elles sont bien l'illustration d'un mal que j'ai déjà dénoncé à de nombreuses reprises dans ce blog: l'inefficience flagrante d'une administration française engluée depuis des décennies dans son bureaucratisme routinier, et qui réalise un exploit unique au monde: dépenser plus que tous les autres tout en fournissant des services publics qui se dégradent d'année en année.

Tout cela n'a rien à voir, ni avec une prétendue insuffisance de moyens, ni avec la qualité des personnels de santé, dont le niveau est excellent, mais bien avec une organisation déficiente, et qui devrait être révisée de fond en comble, lorsque des jours meilleurs seront revenus. Le personnel lui-même est victime du système, et il a bien du mérite à maintenir sa motivation dans le cadre administratif qui lui est imposé.

NOTE IMPORTANTE: cette critique de fond que je fais ici de l'organisation de nos services publics, dont celui de la santé, ne signifie pas qu'avec une autre organisation et des services plus efficients, nous n'aurions pas connu les problèmes d'insuffisance de moyens que nous connaissons actuellement. Je le répète: aucun système sanitaire, aussi efficient soit-il, ne peut être préparé à affronter sans difficulté une situation aussi exceptionnelle, et d'ailleurs rien ne dit que l'Allemagne ou la Corée du Sud ne connaîtront pas dans quelques jours un accroissement brutal des cas graves de Covid 19 et une situation de crise aussi angoissante que la nôtre.


Sunday 28 April 2019

NOTRE PASSION DES COMMÉMORATIONS

Nous venons d'apprendre que désormais, une date sera réservée chaque année à la commémoration du génocide arménien.

La France s'est distinguée ces dernières années par le développement d'une véritable passion pour la repentance, qui nous amène à réexaminer, de façon souvent anachronique, certains épisodes peu glorieux de notre propre passé: on peut citer, en désordre, l'esclavage, le colonialisme, la Saint-Barthélémy, les déportations des juifs se trouvant sur le territoire français pendant la deuxième guerre mondiale etc. 

Cependant, jusqu'à présent, ces exercices de repentance et ces commémorations avaient rarement dépassé les limites de nos frontières ou de notre histoire; si maintenant nous devons commencer à commémorer l'ensemble des génocides commis dans le monde entier à toutes les périodes de l'histoire, nous risquons fort de ne pas avoir de dates suffisantes pour les célébrer tous! On semble oublier que l'histoire de l'humanité n'est malheureusement qu'une longue suite de massacres, plus ou moins systématiques, depuis la nuit des temps.

Alors pourquoi commémorer le génocide des arméniens? Et pourquoi pas celui des Khmers? Celui du Rwanda, les massacres en Bosnie? Les massacres des harkis en Algérie après la décolonisation? Ou, en remontant un peu plus loin, les millions de morts en Chine lors du Grand bond en avant? La politique de dékoulakisation en Union Soviétique et la famine en Ukraine causées par Staline? Et encore plus loin, le sac de Constantinople par les croisés, ou les pyramides de têtes coupées soigneusement empilées par les mongols après le prise de Bagdad?

Y a t'il des génocides plus "politiquement corrects" que d'autres? Est-il de mauvais ton de rappeler les crimes commis par des régimes communistes? Est-il dangereux de rappeler des événements, tels que ceux du Rwanda ou de la Bosnie, dans lesquels le rôle du corps expéditionnaire français a souvent été mis en cause? Est-il risqué d'irriter le gouvernement algérien en rappelant sa responsabilité dans le massacre des harkis?

Entendons-nous bien, je n'ai rien contre les arméniens, qui de façon évidente, et comme malheureusement de nombreux autres peuples dans l'histoire, ont été victimes d'un génocide. Mais est-ce à nous, français, de revenir sur un passé qui concerne essentiellement les turcs et les arméniens, et dans lequel nous n'avons pas grand chose à voir. Par ailleurs, ont peut également comprendre que la République turque actuelle puisse éprouver quelques difficultés à endosser les crimes commis il y a plus d'un siècle par l'Empire Ottoman (même si malheureusement le gouvernement turc semble depuis quelques temps éprouver une certaine nostalgie de cet empire ottoman).

Alors, s'agit-il d'une opération bassement électorale visant à rallier  un électorat d'origine arménienne relativement nombreux en France? Ou est-ce justement parce que le génocide arménien est lointain, parce que nous n'avons rien à voir avec lui, et que le seul risque est de faire hurler le gouvernement turc pendant quelques jours, que le gouvernement français cherche à se donner à peu de frais un brevet de bien-pensance?

Protection du patrimoine et politique culturelle

L'incendie de Notre Dame, et les polémiques (souvent déplacées) qui ont accompagné l'élan de générosité des français, riches et moins riches, qui souhaitent participer à sa restauration, ont mis la lumière sur la grande misère et l'insuffisance criante des moyens alloués à  la politique de protection de notre patrimoine artistique et architectural.

Il est bien sûr heureux de voir affluer des crédits pour la remise en état d'un monument auquel nous sommes tous attachés au niveau émotionnel, mais il est en même temps surprenant de découvrir à cette occasion que de très nombreux monuments, moins spectaculaires et moins connus que Notre Dame, se trouvent dans un état alarmant de détérioration, simplement parce que l'Etat ou les collectivités territoriales ne sont pas capables de dégager les crédits relativement modestes nécessaires à leur entretien.

Face à ce manque de moyens, l'Etat, à juste titre, a mené ces dernières années une politique visant à associer de façon croissante le mécénat privé à ce travail de protection de notre patrimoine; cependant, il est évident que ce mécénat ne peut et ne doit pas se substituer à l'Etat, et que celui-ci doit conserver l'essentiel des responsabilités en matière d'orientation et de choix des priorités. Inévitablement, et on ne peut pas le leur reprocher, les mécènes seront plus intéressés par le financement des monuments connus, et en particulier de la partie visible de ces monuments: ravaler la façade de Notre Dame, dorer le dôme des Invalides ou les ornements du château de Versailles, sera toujours plus spectaculaire que réaliser les travaux d'étanchéité pour éviter des infiltrations d'humidité, ou refaire les installations électriques pour éviter les court-circuits et les risques d'incendie.

L'entretien et la protection de notre patrimoine ne peuvent donc pas dépendre exclusivement des bonnes volontés du secteur privé, et il est urgent que l'Etat dégage les crédits nécessaires pour assurer cette mission essentielle.

Mais, me dira t'on, où trouver l'argent? Faut-il adopter le discours du "toujours plus", à l'heure où tout montre que le niveau global de dépenses de l'Etat a atteint ses limites?

Eh bien, n'est-ce pas là l'occasion de procéder à un réexamen de ce que doivent être les missions de l'Etat en matière de politique culturelle, de se demander quels sont les domaines dans lesquels il est irremplaçable et doit intervenir directement et massivement, ceux dans lesquels il pourrait se limiter à fixer les grandes orientations, et enfin ceux dans lesquels il n'a rien à faire et dont il devrait se retirer? Ce réexamen des politiques publiques que j'appelais de mes vœux dans un article antérieur, et qui n'a jamais été sérieusement réalisé, pourrait trouver un champ d'application intéressant dans le domaine de la politique culturelle.

Sait-on que lorsque le Ministère de la Culture fut créé à la fin des années 50 sous l'impulsion d'André Malraux, le pourcentage des dépenses de ce ministère consacré à la préservation du patrimoine dépassait 30%, témoignant ainsi de la priorité qui était donné à ce domaine d'intervention dans l'action culturelle de l'Etat. Aujourd'hui, ce pourcentage est inférieur à 9%.

La question est-donc: où va le reste? Et ne pourrait-on pas abandonner ou réduire certaines dépenses peu utiles de l'Etat dans le domaine culturel pour les réaffecter à celui du patrimoine?

Quels sont les grands postes de dépense? Tout d'abord, le soutien à l'audiovisuel public, puis toutes les politiques de "soutien à la création artistique" (arts plastiques, musique, "spectacle vivant"), les théâtres subventionnés, le financement du cinéma, sans compter (bien que cela ne fasse pas directement partie du budget de la culture) les dépenses très importantes qu'implique le soutien public au régime scandaleux de protection contre le chômage des intermittents du spectacle.

Est-on bien sûr que tous ces crédits sont indispensables et bien employés? Dans de nombreux pays, le secteur audiovisuel s'autofinance, et rien ne démontre que les financements de l'Etat dont bénéficie l'audiovisuel public  garantisse aux téléspectateurs une qualité supérieure à ce que leur apportent les chaines privées, ni un plus grand pluralisme dans le domaine de l'information! En la matière, la qualité ne serait-elle pas mieux garantie par une saine concurrence entre opérateurs privés, sur un pied d'égalité?

De même, rien ne démontre que les crédits très importants accordés à la création artistique permettent à la création française d'émerger de façon significative sur le marché international de l'art; elle permet surtout le développement d'une certaine forme de clientélisme dans laquelle toute une catégorie d'artistes "d'Etat", bien introduits auprès des bureaucrates du Ministère de la Culture, peuvent vivre grassement des subventions publiques, sans avoir à se soucier du succès plus ou moins grand que rencontrent leurs œuvres sur le marché de l'art. Et ce que je viens de dire concernant les arts plastiques est valable dans tous les autres domaines de la création artistique dans lesquels l'Etat intervient: cinéma, théâtre, musique etc.

L'argument utilisé pour justifier ces subventions aux artistes est que ceux-ci, ainsi libérés de préoccupations bassement commerciales, peuvent créer plus librement, innover, et porter ainsi aux yeux du monde  "l'exception culturelle française". Mais ne risque t'on pas ainsi d'aboutir à un art totalement élitiste, réservé aux "happy few", et en tout cas très loin de l'objectif théoriquement affiché de "démocratisation de la culture"? Le cinéma français, largement subventionné, s'exporte mal et a peu de succès à l'étranger, alors que le cinéma américain s'exporte dans le monde entier, et l'absence de subventions n'empêche pas qu'aux côté d'un cinéma purement commercial, on voit apparaître un cinéma indépendant américain de haute qualité.

Et je passerai ici sous silence le coût exorbitant d'une lourde bureaucratie culturelle, vivant en vase clos et jalouse de ses privilèges, et de plus faisant très souvent doublon avec les politiques culturelles menées au niveau local par les départements et les communes.

Ainsi, le jour où l'on finira par réexaminer sérieusement l'ensemble des politiques culturelles pour éliminer celles qui n'ont aucune raison d'être en dehors de satisfaire quelques privilégiés, le jour où les crédits accordés au secteur audiovisuel public, à la création artistique et au cinéma auront été réduits des 3/4, ainsi que le nombre de fonctionnaires du Ministère de la Culture (vous voyez que je ne suis pas extrémiste!), ce jour-là l'Etat récupérera les marges de manœuvre nécessaires pour mener à bien une politique cohérente de préservation de notre patrimoine.


Monday 24 December 2018

LA REFORME IMPOSSIBLE DE L'ETAT

Plus le mouvement des gilets jaunes avance, plus je suis convaincu que l'élément explicatif fondamental de cette révolte est le "ras le bol fiscal": les deux phrases que l'on entendait le plus fréquemment sur les ronds points étaient: "où va notre argent?" et "on n'en a pas pour son argent". Bien sûr, par la suite, sont venues se greffer toutes sortes de revendications qui ont maintenant tendance à partir dans tous les sens, depuis la démission de Macron jusqu'au référendum d'initiative citoyenne. Ces revendications qui au départ étaient secondaires occupent maintenant le devant de la scène, suivant la dynamique propre à ce type de mouvement dans lesquels plus on est radical, plus on est écouté, d'où la difficulté actuelle à le terminer. Mais pour moi, il est évident que le niveau de popularité impressionnant qu'il a atteint ne peut être expliqué que par ce ras le bol fiscal: tout le monde ne souhaite pas la révolution, la majorité des français préfèrent la stabilité des institutions, le R.I.C. n'est pas leur préoccupation principale; par contre, tout le monde se pose des questions sur les dépenses de l'état et l'utilisation de nos impôts.

Et nous trouvons là effectivement le grand paradoxe français: alors que les statistiques internationales viennent de nous annoncer que la France est le pays (au moins parmi les pays développés) où les prélèvement obligatoires et les dépenses publiques sont les plus élevés, et bien que ces prélèvements obligatoires ne soient pas suffisants puisque chaque année le budget est en déficit, obligeant l'Etat à s'endetter encore davantage, ce que l'on constate est que les prestations que l'Etat fournit aux citoyens sous la forme de services publics, ne font que se dégrader, et sont souvent de qualité très inférieure à celle que l'on rencontre dans des pays ayant pourtant une fiscalité plus faible.

J'ai déjà eu l'occasion dans d'autres articles de citer de nombreux exemples que j'ai pu observer lors de déplacements dans des pays voisins de la France (Allemagne, Espagne), où certains services publics (en matière de santé, de transport, d'éducation) sont d'une qualité très supérieure à ce que nous constatons chez nous.

Il y a donc là, de façon évidente, la preuve d'un manque flagrant d'efficience dans la façon dont les dépenses de l'Etat sont gérées et les services publics sont administrés. A la limite, on pourrait dire que le problème principal n'est pas le niveau élevé des dépenses publiques (bien que personnellement, je sois convaincu qu'un tel niveau est nocif pour un bon fonctionnement de l'économie en retirant des ressources au secteur privé); mais après tout, si les français expriment collectivement une préférence pour une socialisation complète de dépenses dont certaines (par exemple en matière de protection sociale ou d'éducation) pourraient être à la charge des individus, il est normal que cette préférence se traduise par un niveau élevé de dépenses publiques; mais à condition, comme dit plus haut, que nous en ayons pour notre argent, et donc que ce niveau élevé des dépenses publiques se traduise par un meilleur niveau que dans les autres pays des prestations dont nous bénéficions, ce qui n'est pas le cas.

On  nous dit que le quinquennat de Macron est déjà achevé, et que dans le contexte actuel, il ne pourra désormais mener aucune réforme d'envergure. Pourtant, jamais la réforme de l'Etat n'a été aussi nécessaire et aussi urgente.

C'est pourquoi, en ayant il est vrai une certaine dose d'optimisme, on peut peut-être espérer que le grand "dialogue national" qui va s'ouvrir en début d'année prochaine, soit l'occasion d'organiser un grand débat sur les dépenses de l'Etat pouvant aboutir à une réforme radicale de son mode de fonctionnement.

Les éléments de ce débat pourraient être les suivants:
- le ras le bol fiscal exprimé par une majorité de français est justifié; il est essentiel de procéder à des baisses d’impôts afin de ramener les prélèvements fiscaux en France à un niveau proche de celui constaté chez nos partenaires européens
- une telle diminution de la pression fiscale n'est possible que dans la mesure où l'on parvient à procéder à une véritable diminution des dépenses absolues (et non, comme cela a été le cas jusqu'à présent, à un simple ralentissement de leur rythme de croissance)
- une diminution importante des dépenses publiques ne pourra pas être obtenue par de simples "coups de rabot" sur les prestations sociales, ou une chasse aux gaspillages, qui est toujours utile mais n'ira jamais très loin si l'on ne change pas la logique même de fonctionnement de l'Etat et de sa bureaucratie.

Les moyens pour parvenir à une telle diminution des dépenses publiques sont bien connus; ils ont été mis en oeuvre depuis des années avec succès dans de nombreux pays tels que la Suède, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Grande Bretagne.

La première étape consisterait à définir quels sont les objectifs primordiaux de l'Etat, quels sont les missions qu'il doit impérativement assurer lui-même, et quels sont ceux qui pourraient être soit purement et simplement abandonnés (parce qu'ils ne répondent plus à des besoins réels), ceux qui pourraient être privatisés, ceux qui pourraient être assurés au moyen d'une mis en concurrence entre les services de l'Etat et l'initiative privée, ceux qui seraient mieux assurés au plus près des citoyens par les collectivités locales etc. La littérature administrative fourmille d'exemples de politiques publiques dans lesquelles l'Etat central, les Régions, les départements, les communes, se répartissent les mêmes missions, ce qui entraîne une confusion des responsabilités, une duplication des moyens et une augmentation des coûts.

Un autre exemple très disant de l'énorme complexité de l'Etat et du secteur public en dépendant est ce qui est en train de se passer pour l'exonération de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2000 euros. A priori, une telle décision ne parait pas très difficile à mettre en oeuvre. Pourtant, on nous annonce que cette mesure ne pourra devenir effective que dans 6 mois, en raison de la grande complexité de l'ensemble des caisses de retraite versant celles-ci. N'y a t'il pas là un bon exemple de ce qui pourrait être obtenu en procédant à une rationalisation et une simplification radicale du système? 

Une fois bien défini le périmètre d'intervention de l'Etat et celui des collectivités locales, la deuxième étape devrait consister à confier chacune des missions à des agences indépendantes, qui devraient s'affranchir des règles pesantes de la bureaucratie: il s'agirait d'agences dirigées par un manager, recruté en fonction de ses compétences de gestionnaire, responsable sur les résultats obtenus, et disposant d'une liberté totale pour administrer l'enveloppe globale qui serait attribuée à son agence: cela signifie évidemment liberté de recrutement du personnel (qui ne serait pas constitué de fonctionnaires), liberté des méthodes employées, liberté de répartir les dépenses entre dépenses de personnel, services extérieurs (par le recours à la sous-traitance), investissement etc. , et évaluation permanente des résultats obtenus avec des mécanismes d'intéressement du personnel en fonction de ces résultats.

Il s'agirait en somme, pour reprendre la terminologie consacrée, de "changer l'ADN de l'administration", et de séparer le gouvernail (les fonctions de conception des politiques publiques, confiées à un petit noyau de fonctionnaires travaillant en liaison avec les politiques) des fonctions d'exécution (les agences indépendantes, dans lesquelles les règles de l'administration et de la fonction publique ne s'appliqueraient plus, et qui fonctionneraient selon des méthodes proches de celles du secteur privé).

Il y a là évidemment un projet assez révolutionnaire, devant lequel ont buté jusqu'à présent tous les gouvernements qui se sont succédés. Mais le problème a toujours été que les timides tentatives pour réformer les mode de fonctionnement de l'Etat ont toujours été menées par des hauts fonctionnaires qui, par leur nature et leur formation répugnent à remettre en cause les règles héritées du passé.

Le dialogue qui doit s'ouvrir dans les prochaines semaines, dans lequel l'examen de l'ensemble des dépenses publiques est l'un des thèmes qui doivent être abordés, pourrait être l'occasion de lancer des idées dans le sens que je viens d'indiquer. Bien sûr, je ne me fais pas d'illusions, une réforme complète de l'Etat ne sortira pas toute armée de ces discussions. Mais l'avantage est que pour une fois, les interlocuteurs de l'Etat ne seront pas des syndicalistes idéologisés pour lesquels tout ce qui rappelle le fonctionnement du secteur privé est l'enfer, mais des hommes et des femmes provenant de tous milieux, souvent du secteur privé, et qui peuvent comprendre que si l'on veut que l'Etat cesse d'être le gouffre financier qu'il est devenu, seule une réforme radicale de son mode de fonctionnement y parviendra.


NON, LES GILETS JAUNES NE SONT PAS SYMPAS

Alors que nous venons de dépasser le sixième "samedi noir" marqué par des manifestations multiples, toutes non déclarées et donc non autorisées, et les violences insupportables qui les ont accompagnées, notamment à Paris, je lis avec consternation que selon le dernier sondage, 70% des français continueraient à considérer le mouvement des gilets jaunes comme légitime, et à l'appuyer.

On peut bien sûr considérer que, compte tenu de la multiplicité des revendications, souvent contradictoires, présentées par un mouvement sans organisation interne ni coordination, pratiquement chacun peut, à un moment donné, se trouver en accord avec l'une ou l'autre de ces revendications, appuyer tel ou tel mot d'ordre. Le mouvement, parti au départ d'un rejet de la taxe carbone et de ses conséquences sur le prix de l'essence, a très vite débordé sur l'expression d'un ras le bol fiscal et la revendication d'une hausse du pouvoir d'achat érodé par la fiscalité. Pendant les premières semaines, ces exigences de type économique étaient ce qui dominait, et dans ces conditions, la grande popularité dont a bénéficié le mouvement peut s'expliquer: qui en France ne va pas considérer que la fiscalité est trop élevée, que l'Etat est trop dépensier?

Ce que l'on a plus de mal à comprendre, c'est comment aujourd'hui, après les nombreuses exactions survenues ces dernières semaines, les expressions de haine sociale, souvent de racisme ouvert, les appels au meurtre et à la révolution violente, les attaques contre les permanences et, dans certains cas, les domiciles privés de députés LREM, les gilets jaunes peuvent continuer à se valoir d'une telle popularité.

Il me semble que l'une des raisons en est la grande complaisance dont a fait montre la presse (notamment les chaînes d'information continue) a l'égard de ce mouvement, au lieu de dénoncer franchement et ouvertement ses débordements: il est très rapidement devenu de bon ton, politiquement correct, de lui réserver un accueil favorable, de dénoncer la "souffrance sociale" qu'il reflétait, d'accepter sans examen ses thèses sur la baisse du pouvoir d'achat (alors que rien, dans les statistiques de l'INSEE, ne vient confirmer une telle baisse, au contraire); on condamne avec unanimité des "élites" coupées des réalités sociales que vit le "vrai peuple"; les journalistes, suivis par l'ensemble de la classe politique paralysée de trouille, prennent le plus grand soin à distinguer l'immense majorité des gilets jaunes, qui seraient des gens pacifiques exprimant démocratiquement leurs revendications légitimes, d'une infime minorité de casseurs avec lesquels ils n'ont rien à voir.

Et pourtant, si on écoute les déclarations de nombreux meneurs, il semble clair que l'utilisation de méthodes violentes n'est pas rejetée, au contraire. On nous dit: "si nous n'avions pas utilisé la violence, jamais nous n'aurions obtenu ce que le gouvernement a cédé jusqu'à présent", c'est à dire, selon eux, des miettes (tout de même plus de 10 milliards d'euros, ce qui fait cher la miette); conclusion: si nous voulons obtenir que l'ensemble de nos revendications soient satisfaites, nous devrons continuer à utiliser la violence.

En même si celle-ci n'est le fait que d'une petite minorité, il n'en reste pas moins que l'ensemble du mouvement en porte la responsabilité, en appelant semaine après semaine à poursuivre les manifestations, les blocages d'autoroutes et de ronds-points, alors qu'ils savent parfaitement que ces démonstrations se termineront obligatoirement par des violences, puisque personne ne les contrôle, personne ne sait à l'avance où les manifestations vont se dérouler, il n'y a pas de service d'ordre comme dans les manifestations syndicales. Il est trop facile de dire ensuite "ce n'est pas moi, ce sont des gens qui n'ont rien à voir avec notre mouvement", quand ce n'est pas, comme je l'ai lu, des accusations portées contre la police d'avoir infiltré des "provocateurs" au sein des manifestations.

Le seul homme public qui ait eu le courage de dénoncer le mouvement pour ce qu'il est, c'est l'ancien ministre François LEOTARD (sans doute aussi parce qu'il est retiré de la politique et qu'il n'a rien à craindre des électeurs) qui déclare dans une interview au Point (22/12/2018): "Il faut comprendre un minimum les règles de la démocratie. Bloquer une route, ce n'est pas un délit, c'est un crime. C'est la cour d'assises. Bien sûr, et heureusement, on n'applique pas ces peines, mais on sous-estime ce que cela signifie : c'est une atteinte à la liberté de l'autre. Les Gilets jaunes ne sont pas seuls au monde. Et plus on donnera des choses, plus ils en réclameront, plus il y aura de tensions. Le courage politique, c'est de dire stop, on n'a plus les moyens". Et plus loin: "La colère, oui, la haine non. Le président de la République n'a pas parlé de cela dans son allocution. Il aurait dû dire : « Discutons tant qu'on veut, débattons, disputons-nous, mais pas de haine. » Car elle est en train de naître. Et à chaque fois que la haine est née dans notre pays, ça a mal fini."

Alors non, les Gilets Jaunes, contrairement à ce qu'on nous affirme à longueur de journée, ne sont pas sympas, ne sont pas "tendance"; ils fomentent dans notre pays un climat de haine et de violence, ils refusent les règles les plus élémentaires de la démocratie et du débat civilisé; ils ne sont pas la France, ou s'ils le sont ils représentent les aspects les plus détestables de celle-ci: la France des tricoteuses de la Révolution, la France rancie, refermée, xénophobe, la France de tous les extrêmes, et non la France des Lumières.