Wednesday 21 November 2018

RAS LE BOL FISCAL ET DÉPENSE PUBLIQUE

Le mouvement des gilets jaunes, né au départ comme protestation contre la hausse de la fiscalité des carburants, est en train de se transformer en une espèce de "jacquerie" assez informelle contre le niveau jugé excessif de la fiscalité et des prélèvements obligatoires, au nom de la défense du pouvoir d'achat. Des rapprochements sont ainsi faits avec le mouvement poujadiste des années 50, qui avait ébranlé les institutions de la 4ème République et participé à sa chute en 1958.

On peut bien sûr discuter sur la réalité de cette perception d'une baisse du pouvoir d'achat, alors que les statistiques de l'INSEE semblent indiquer le contraire; on peut également considérer que l'amélioration du pouvoir d'achat est beaucoup plus à rechercher grâce à une croissance robuste  permettant à l'économie de se rapprocher du plein emploi, et aux entreprises d'augmenter les salaires. Il n'en reste pas moins que nous voyons apparaître un phénomène intéressant: alors que traditionnellement les français croient que plus l'Etat dépense, mieux c'est pour l'économie et le pouvoir d'achat (quitte pour cela à s'endetter ou à augmenter les impôts), il semble qu'enfin ils prennent conscience de ce que cette augmentation permanente des dépenses et des prélèvements fiscaux a atteint ses limites.

Bien sûr, beaucoup continuent à penser, comme le disait ironiquement Macron il y a quelques jours,  et comme le réclament les Insoumis, que l'on peut à la fois réclamer davantage de fonctionnaires, davantage de prestations sociales, et en même temps payer moins d'impôts. Mais il me semble malgré tout qu'un certain bon sens populaire permet à un nombre croissant de personnes de comprendre qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

Il devrait être évident pour tout le monde que, si le niveau des prélèvements obligatoires est trop élevé et devient insupportable, la raison en est le montant trop élevé de la dépense publique. Or tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis au moins 30 ans ont fini par laisser filer cette dépense dans une croissance ininterrompue: pour certains, il s'agissait d'une croissance assumée pour des motifs idéologiques; pour d'autres au contraire, elle survenait en dépit d'un discours annonçant le contraire.

Le gouvernement Macron s'inscrit dans cette dernière lignée, puisque dans son programme, que jusqu'à présent il a scrupuleusement respecté, il a promis une diminution de plusieurs points de PIB de la dépense publique. Mais jusqu'à présent, il faut bien reconnaître que les résultats obtenus sont faibles et peu satisfaisants. Lorsqu'on nous annonce une diminution des dépenses publiques, il s'agit en réalité au mieux d'une diminution de leur rythme d'augmentation!

Or le gouvernement ne dispose en l'état d'aucune marge de manœuvre: rien ne pourra être fait pour réduire le niveau des prélèvements obligatoires, dont tout montre qu'il est devenu insupportable aux français, tant que nous ne parviendrons pas à une diminution réelle et substantielle des dépenses publiques.

Ce devrait être là le chantier prioritaire du gouvernement actuel; en réalité, cela aurait dû l'être dés sa prise de possession, il y maintenant un an et demi. Mais les efforts entrepris jusqu'à présent ne sont pas à la mesure du problème.

J'entendais l'autre soir sur C dans l'air que de toutes façons il est trop tard: une fois l'état de grâce passé, un gouvernement avec 25% de popularité et une conjoncture économique de plus en plus incertaine, ne pourrait plus entreprendre de grandes réformes, et devrait se contenter de gérer les affaires courantes.

Je pense au contraire que le moment est propice pour entreprendre enfin cette grande réforme de l'Etat sans laquelle aucun redressement économique de la France ne sera possible: mais à cela il y une condition: que le gouvernement soit capable de faire de cette réforme un grand dessein national, à la réaliser non pas CONTRE les français, mais en les convainquant que la situation actuelle est devenue insoutenable.

On ne peut pas admettre qu'un pays soit à la fois: l'un de ceux qui ont les prélèvements obligatoires les plus élevés, mais en même temps l'un des plus endettés (ce qui signifie que ces prélèvements sont insuffisants), et enfin, un pays dans lequel la qualité des services publics ne fait que se dégrader.

Tout cela révèle une inefficience prodigieuse, qui démontre que c'est toute la gestion et l'organisation de l'appareil de l'Etat, de ses services publics et de son système de protection sociale qui doivent être remises en cause. A la limite, le principal problème n'est pas que l'Etat dépense trop, mais que les français n'en ont pas pour leur argent, et qu'ils ne reçoivent pas de l'Etat ce qu'ils seraient en droit d'en attendre compte tenu de tout ce qu'ils lui donnent.

Cette réforme ne se fera pas en donnant à l'aveuglette des coups de rabot dans la dépense publique, ce qui ne peut avoir pour résultat que la dégradation de ce qui existe, mais d'abord en procédant à un véritable réexamen de ce que sont les missions de l'Etat, de quelles sont ses priorités, et quelles sont les activités qu'il pourrait abandonner, sous traiter ou laisser au secteur privé; puis en réalisant une réforme complète du mode de fonctionnement des services et missions qu'il décidera de conserver.

Et surtout, une telle réforme ne pourra pas se faire, comme cela a été trop souvent le cas par le passé, de façon honteuse et cachée, comme si on avait peur de mécontenter les différentes clientèles dépendant des deniers de l'Etat; mais au contraire en y associant tous les français, à commencer par les travailleurs du secteur public, et en les convainquant que c'est toute la collectivité nationale qui en bénéficiera




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